Onduleurs sans booster - le piège ?
Les fabricants de composants photovoltaïques font face à une rude concurrence. Ils investissent énormément en R&D pour sortir le prochain modèle de panneau solaire ou d’onduleur avec un meilleur rendement et des coûts optimisés. Chaque dixième de pourcent gagné est un nouveau succès ! Quel dommage toutefois d’être confronté à des installations solaires constituées des meilleures composants mais n’atteignant jamais le rendement espéré à cause d’une simple erreur de dimensionnement.
J’observe régulièrement un cas de figure faisant intervenir une longueur des chaînes de panneaux qui n'est pas accordée avec une utilisation d'onduleurs sans booster à haut rendement.
Qu’est-ce qu’un onduleur sans booster ?
D'un point de vue fonctionnel, un onduleur est un appareil convertissant du courant continu en un courant alternatif, généralement triphasé. En réalité, un onduleur solaire comporte dans de nombreux cas un étage d’entrée nommé booster, permettant d’augmenter la tension continue en entrée avant d’être convertie en courant alternatif par l’étage onduleur à proprement dit. Un booster est en quelques sortes un transformateur permettant de convertir une tension continue à un niveau de tension plus élevé. C’est grâce au booster qu’un onduleur peut fonctionner avec une plage de tension d’entrée très large, par exemple 250 - 800 V. Le revers de la médaille est toutefois les pertes d’efficience engendrées par le booster, ainsi que l’impact sur la complexité et donc le prix de l’onduleur. Un onduleur sans booster permet généralement d’obtenir un meilleur rendement à coûts plus faibles, au détriment toutefois d’une flexibilité de dimensionnement réduite.
Pas de problème, il suffit de lire la fiche technique et de respecter la tension d’entrée minimale mentionnée !
En effet, la tension d’entrée minimale est toujours mentionnée sur la fiche technique d’un onduleur. Le piège se situe toutefois au niveau des notes de bas de page et de la réalité du terrain qui diffère parfois considérablement des valeurs théoriques. La tension d’entrée minimale d’un onduleur sans booster est généralement mentionnée pour la tension réseau nominale (par exemple 230 V). Et la tension nominale d’un panneau solaire est mentionnée pour une température de cellule de 25 °C. Les conditions réelles peuvent toutefois être bien différentes.
En quoi la tension réseau joue-t'elle un rôle ?
Afin de bien comprendre comment la tension du réseau influence la tension d'entrée minimale d'un onduleur, observons la manière dont un onduleur fonctionne. Un onduleur photovoltaïque pour installations résidentielles ou industrielles travaille sur la base d'une tension de sortie généralement triphasée avec une tension RMS de . Cela correspond à une tension de crête de . La tension nominale du réseau peut être différente pour les grandes installations équipées de transformateurs dédiés, nous n'aborderons toutefois pas ce type d'installations ici.
Système triphasé à 50 Hz avec une tension nominale de 230 V.
Intéressons-nous maintenant à l’enveloppe supérieure et inférieure de notre système triphasé. Cette enveloppe correspond aux niveaux de tension que l’onduleur doit être en mesure de générer à partir de la tension DC.
Envelope supérieure et inférieure pour un système sinusoïdal triphasé.
Un onduleur sans boosters ne peut toutefois que générer une tension alternative dont la différence entre l’enveloppe supérieure et inférieure est en tout temps inférieure à la tension d'entrée DC. La tension alternative triphasée sera en quelques sortes "découpée" dans la tension DC, comme si nous découpions l’enveloppe des tensions sinusoïdales dans une bande de papier. La tension DC théorique minimale sera donc de:
Différence entre envelope inférieure et supérieure, mise en évidence d'une tension DC minimale de 580 V.
En pratique une tension DC légèrement supérieure est nécessaire. Il n’est ainsi pas rare qu’une tension d’entrée minimale de 580 V soit mentionnée sur les fiches techniques pour une tension réseau nominale de 230 V.
La réalité estivale
Maintenant que nous comprenons la relation entre tension du réseau et tension d’entrée DC, nous pouvons nous attarder sur le dimensionnement nécessaire pour garantir un fonctionnement optimal d’un onduleur sans booster. Considérons pour cela la situation la plus défavorable : une journée d’été. Deux phénomènes ont alors un impact décisif à considérer.
- Augmentation de la tension du réseau : lors d’une journée d’été, il n’est pas rare qu’une production importante d’électricité photovoltaïque conduise à une élévation locale de la tension du réseau. Une tension dépassant 240 V est alors tout à fait possible.
- Diminution de la tension des panneaux solaires : lors de la même journée d’été, la température des panneaux solaires peut facilement monter à 60-70 °C. La tension nominale des panneaux solaires peut chuter par conséquent d’environ 15 % en raison de la relation entre température et tension des panneaux solaires.
Il n’est pas rare d’observer des onduleurs sans booster qui requièrent une tension d’entrée dépassant 600 V en période estivale en raison de la tension du réseau, alors même qu’une tension minimale de 580 V est mentionnée sur la fiche technique.
Une tension nominale des chaînes de panneaux de 660 V par exemple peut à priori sembler suffisante si la tension d’entrée minimale de l’onduleur est de 580 V. En période estivale, la tension MPP d’un tel système peut toutefois rapidement se retrouver sous la tension minimale réelle à l’entrée de l’onduleur en raison de l'effet combiné de l'augmentation de la température des panneaux ainsi que de la tension du réseau. Cette situation peut conduire à des pertes considérables, comme le montre l'exemple réel ci-dessous. Cet exemple met en évidence un onduleur correctement dimensionné (Ond. 1) comparé à un onduleur sans booster dont la tension d’entrée n’est pas suffisamment accordée avec la longueur des chaînes de panneaux (Ond. 2).
Pertes estivales engendrées par in dimensionnement inapproprié d'une installation photovoltaïque impliquant un onduleur sans booster.
Dimensionnement idéal
Afin d'éviter les pertes d'énergies inutiles, il est primordial de bien comprendre la relation entre température des panneaux, tension du réseau et comportement de l'onduleur choisi. Une installation photovoltaïque devrait être dimensionnée pour que la tension MPP des chaînes de panneaux soit en tout temps supérieure à la tension d'entrée minimale de l'onduleur. Il est alors important de considérer la température maximale des panneaux, la tension du réseau maximale et de considérer une marge qui permettra de couvrir les autres facteurs qui peuvent également influencer la tension MPP à l'entrée de l'onduleur (pertes câbles DC, phénomènes de dégradation à long terme des panneaux, mismatch, ombrage local, etc.).
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